Lors de la visite du site archéologique, votre guide vous montrera des
clous de charpente et à bardeau[1],
provenant de la chapelle d’origine. Vous leur trouverez peut-être un petit air
rabougri? La raison étant que ces clous ne sont plus dans leur état original.
Ce sont des clous récupérés par les archéologues et qui attestent de
l’intensité de l’incendie qui a détruit la chapelle en 1754.
Des clous sont des objets assez communs aujourd’hui, mais il en allait
autrement au 17e siècle. Au début de la colonie montréalaise, on
faisait venir de la métropole les clous par barils afin de pouvoir construire
les habitations. Éventuellement, des forgerons se sont installés à Ville-Marie.
Ces artisans du fer n’étaient pas tous des maîtres d’œuvre, et « nombre de
serruriers, d’armuriers, de cloutiers, de taillandiers, de couteliers et de
maréchaux-ferrants non patentés […] » s’installèrent dans la colonie[2]. Ils
devaient tout de même se procurer la matière première, le fer, en France, car
il était interdit d’exploiter des industries dans la colonie. L’extraction du minerai de fer ne commença
véritablement qu’en 1730, quand le roi Louis XV donna le privilège à François
Poulin de Francheville, seigneur de Saint-Maurice, le privilège d’extraire du
minerai[3].
Et même s’ils avaient eu la matière première à portée de main, les
forgerons n’auraient pas pu fabriquer de clous à grande échelle, car
l’importation et la vente en revenait aux marchands de Montréal[4].
Donc, la chapelle a été construite avec des clous français!
Évidemment, la chapelle avait des fenêtres – on ne sait pas combien de
fenêtres exactement. Nous savons que dans les habitations du début de la
colonie, les fenêtres étaient faites d’une sorte de papier ciré, que l’on
trouvait plus aisément et à moindre coût que la vitre. Qu’en est-il de la
chapelle, construite avant que Montréal n’ait 40 ans? A-t-elle eu des fenêtres
de papier ciré remplacé par du verre plus tard? Ou les fenêtres étaient-elles
de verre dès la construction? Difficile à dire… Ce qui est certain, c’est que
le verre était fabriqué en Europe et qu’il fallait l’importer[5].
Dans notre cas, il était transporté de France par navires, en petits carreaux
bien emballés, pour réduire le risque de bris.
Ces morceaux de verre ne sont plus dans leur état original; ils portent
les traces de l’incendie qui a détruit la chapelle en 1754. Ils sont tordus par
la chaleur du feu, et leur couleur vient de la fumée et des cendres qui se sont
déposées sur le verre pendant l’incendie.
Karine Saint-Louis, responsable de l’animation
et de l’éducation
[1] Les clous de charpenterie
mesurent plus de 7 cm de longueur et les clous à bardeau, environ 4 cm. Rapport final, p. 156.
[2]
Robert Tremblay, « Métier
de forgeron au Québec »,
Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-352/m%C3%A9tier_de_forgeron_au_qu%C3%A9bec.html#.Vw-fgNThB-U
(page consultée le 13 avril 2016).
[3] Louise
Trottier, « Forges du Saint-Maurice », Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-423/Forges_du_Saint-Maurice.html#note3
(page consultée le 14 avril 2016).
[4] Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe
siècle, p. 157.
[5] Des verreries situées en
Normandie ou dans la région de Rouen auraient pu fournir le verre pour les
fenêtres de la chapelle. Sur les verreries du Comté d’Eu, voir http://verrerie.e-monsite.com/pages/le-developpement-d-une-industrie/les-differentes-verreries.html (page
consultée le 18 avril 2016).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire